Le livre :
Jimi Hendrix mémoire d’outre-monde est un projet à l’initiative d’Alan Douglas, un ami de Hendrix, producteur de disques et de films, et de Peter Neal, qui a réalisé Experience, le premier portrait filmé de Jimi Hendrix. Alors qu’ils préparaient un film sur la vie du musicien (Starting at zero devrait sortir début 2014), l’idée leur est venue de l’accompagner d’un livre dont l’intégralité des textes serait de Jimi Hendrix. Mémoire d’outre-monde est ainsi signé du nom de Jimi Hendrix et doit donc se lire comme l’autobiographie que l’artiste aurait pu écrire.
Le livre est composé de 9 chapitres, portant chacun le titre d’un morceau de Jimi Hendrix, et correspondant à une période de sa vie (voir la playlist ci-dessous). Le texte est basé sur des extraits d’interviews, des poèmes, des notes et des journaux personnels qui ont été travaillés pour éviter des répétitions et aboutir à un récit cohérent. Les paroles de chansons (que l’éditeur français a eu la bonne idée de traduire) sont également présentes en marge du texte principal avec des notes et des poèmes que Jimi Hendrix, écrivain compulsif, griffonnait constamment, même sur ses guitares.
De ses premiers groupes à la fondation de The Jimi Hendrix Experience, de son passage par l’armée où il est parachutiste à son départ pour l’Angleterre où il va se faire connaître, les premières pages de Mémoire d’outre-monde décrivent le parcours d’un jeune artiste pour qui la musique devient très vite une évidence. Dans la suite du livre, et notamment la période des quatre dernières années de sa vie, le récit porte moins sur ce que Hendrix fait au quotidien (des notes sont là pour remettre dans leur contexte les mots de l’artiste) mais sur son questionnement intérieur, toujours lié à sa pratique de la musique.
La vie de Jimi Hendrix était entièrement centrée sur sa musique. Le livre dévoile ainsi de nombreux éléments pour comprendre sa relation à la création, ce que Hendrix souhaitait atteindre à travers son art, mais également les malentendus avec les critiques et même parfois son public.
Souvent associée à la drogue, la signification de sa musique prend une autre dimension quand Jimi explique que Purple Haze n’est rien d’autre qu’une chanson parlant d’une femme (comme beaucoup d’autres de ses titres) ou que certains de ses morceaux aux références spatiales sont dues à sa fascination pour la littérature de science-fiction. Hendrix doit également combattre l’image qu’il renvoie, il a du mal à comprendre que son attitude sur scène puisse être jugée vulgaire, après tout, quelle musique n’est pas sensuelle ? Jimi Hendrix s’est aussi parfois piégé lui-même, par exemple avec la mise en scène consistant à mettre le feu à sa guitare. Suite à ce coup de pub imaginé avec son producteur, il s’est parfois retrouvé en concert devant un public qui était plus venu pour le spectacle de sa guitare enflammée que pour écouter sa musique.
Avis :
Au delà du mythe, renforcé par sa mort à 27 ans faisant de lui un membre du Club des 27, ce livre permet de découvrir qui était vraiment Jimi Hendrix, un artiste pour qui seule sa musique comptait et qui n’aimait pas les étiquettes. Il préférait ainsi au terme psychédélique, utilisé pour définir sa musique, celui de « Free Feeling », un mélange « rock-blues-psyché-funk ». Jimi Hendrix se moque également des critiques qui cherchent à le cataloguer, et notamment l’un d’eux qui le décrit comme « l’Elvis noir ».
Mémoire d’outre-monde est (malgré son titre français un peu lugubre) un portrait vivant et intime de Hendrix par Jimi, avec ses propres mots. Je ne peux que conseiller ce livre à ceux qui souhaitent découvrir Hendrix mais également à ceux qui pensent déjà bien le connaître.
Je n’ai qu’une seule vie. Je ne serai peut-être plus là demain, alors j’agis au jour le jour. Parce que les humains meurent trop facilement, voilà.
Musique :
Ces paroles provenant du titre Room full of mirrors sont citées en introduction du livre. L’image du miroir est souvent reprise par Hendrix vers la fin de sa vie dans ses écrits. En préparant cette playlist j’ai découvert la complexité de la discographie de Jimi Hendrix, en dehors des trois albums studio de The Jimi Hendrix Experience le nombre d’albums posthumes est impressionnant. On ne compte plus les inédits, les versions alternatives et les mêmes morceaux (portant parfois des titres différents) se retrouvant sur plusieurs albums, notamment suite à la création en 1995 de Experience Hendrix par James « Al » Hendrix, le père de Jimi. La reprise en main des droits sur la musique de l’artiste par la compagnie familiale a eu pour conséquence de nouveaux albums, pour certains reprenant des morceaux déjà édités par les anciens producteurs de Hendrix, notamment par Alan Douglas, à l’initiative de Mémoire d’outre-monde.
I used to live in a room full of mirrors
All I could see was me
Well I take my spirit and I smash my mirrors
Now the whole world is here for me to see
I said, the whole world is here for me to see
Now I’m searchin’ for my love to be.
Certains morceaux dans la playlist ci-dessous sont crédités avec plusieurs noms d’albums différents, j’ai tenté de simplifier le plus possible en ne mentionnant pas automatiquement tous les albums sur lesquels ces titres sont présents.
Les titres repris dans la playlist sont ceux dont les interprètes sont clairement identifiables dans le livre.
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Playlist :
(références musicales par ordre d’apparition dans le livre)
- Room full of mirrors (Rainbow bridge, 1971 – Voodoo soup, 1995 – First rays of the new rising sun, 1997).
- Voodoo child (novembre 42 – juillet 62)
- Voodoo child (Slight return) et Voodoo chile (Electric ladyland, 1968)
- Elmore James, Howlin’ Wolf et Ray Charles sont évoqués.
- Muddy Waters – Rollin’ and Tumblin’. Pour Jimi Hendrix il s’agit d’un « vrai son de guitare primitif », il explique également que Chuck Berry a ravivé son intérêt pour la guitare.
- Jimi faisait des reprises du groupe The Coasters avec le sien.
- Astro man (The cry of love, 1971 – First rays of the new rising sun, 1997)
- Highway chile (juillet 62 – septembre 66)
- Highway Chile (Are you experienced ?, réédition de 1997)
- Jimi fonde un groupe nommé The King Kasuals.
- Robert Johnson, Albert King, Albert Collins sont cités.
- Le morceau In the midnight hour est cité. Ce morceau a été interprété initialement par Wilson Pickett en 1965.
- Jimi joue avec le groupe The Isley Brothers.
- Sam Cooke, Solomon Burke, Jackie Wilson, Hank Ballard, B.B. King et Chuck Jackson sont cités. Jimi joue dans un groupe d’accompagnement de ces artistes pendant une grande tournée soul.
- Jimi travaille avec Little Richard pendant 6 mois environ, puis avec le groupe Curtis Knight and the Squires, King Curtis et Joey Dee and the Starliters. Le morceau de ce groupe Peppermint Twist (1961) est cité. Jimi joue également avec John Hamond Jr.
- Jimi Hendrix rencontre Bob Dylan au Village à New-York.
- Hendrix monte son premier vrai groupe début 66, The Blue Flame.
- Mick Jagger tente de le faire engager sur une tournée. Chas Chandler, le bassiste du groupe The Animals, lui propose de monter un groupe en Angleterre.
- Are you experienced ? (septembre 66 – juin 67)
- Are you experienced ? (Are you experienced ?, 1967). L’album Are you experienced ? est resté 33 semaines dans les charts britanniques, il atteindra la seconde place juste derrière l’album Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band des Beatles.
- En Angleterre, Hendrix joue avec le groupe Cream d’Eric Clapton puis monte le groupe The Jimi Hendrix Experience avec Noel Redding à la basse et Mitch Mitchell à la batterie.
- Le batteur Elvin Jones est cité.
- Juste quatre jours après la formation de son groupe, Jimi joue en première partie de Johnny Hallyday en France à l’Olympia. Ils jouent les morceaux In the midnight hour (cité plus haut),Land of a thousand dance, Everybody needs someone to love et Respect.
- Hendrix rencontre Paul Mc Cartney.
- Reprise du titre Hey Joe par The Experience (1966).
- Le titre Love or Confusion est pressenti pour être le second single sur groupe mais ça sera finalement Purple Haze, qui se placera à la 3ème place des charts. Ces deux titres figurent sur l’album Are you experienced ?
- Le titre Johnny B. Goode de Chuck Berry est cité.
- Les compositeurs classiques Bach, Ludwig van Beethoven et Gustav Mahler sont cités.
- Les artistes suivants sont cités : Jimmy Reed, Chet Atkins, Richie Valens, Brian Jones, Steve Winwood, Spencer Davis, Tom Jones et le groupe Herman’s Hermits.
- Eddie Cochran – Summertime Blues. Ce titre est sorti en 1958.
- If six was nine (Axis: Bold as Love, 1967)
- Joan Baez, le groupe The Walker Brothers et Cat Stevens sont évoqués.
- Engelbert Humperdinck – Release Me
- The wind cries Mary (Are you experienced ? édition nord américaine, 1967 et réédition de 1997)
- Can you see me et Red House (Are you experienced ? édition britannique et internationale, 1967 et réédition de 1997)
- May this be love, Third Stone from the Sun, I Don’t Live Today, Manic Depression et Foxey Lady (Are you experienced ?, 1967)
- Bold as love (juin – août 67)
- Bold as Love (Axis: Bold as Love, 1967)
- Paul Mc Cartney ouvre les portes du festival Monterey en Californie à Jimi et son groupe.
- David Crosby et les groupes Electric Flag et Jefferson Airplane sont cités.
- Le groupe de Hendrix part en tournée avec The Monkees. Un groupe que Jimi n’apprécie pas, selon lui c’est « comme les Beatles en toc, [un] pur produit commercial du show-business américain ». Il tourne ensuite avec The Mamas and the Papas.
- Les groupes The Seeds et The Fugs sont cités.
- House Burning Down (Electric ladyland, 1968)
- Burning of the Midnight Lamp (Electric ladyland, 1968). Ce titre est mal reçu aux États-Unis (il n’a atteint que le 11ème place des charts), il s’agit pourtant selon Jimi Hendrix de leur meilleur titre. Il le compare à Whiter Shade of Pale du groupe Procol Harum, un titre qu’il faut selon lui écouter de nombreuses fois pour l’apprécier, pour « commencer à assembler les morceaux ».
- Ezy rider (août 67 – janvier 68)
- Ezy Rider (The Cry of Love, 1971). Ce morceau figure également sur l’album d’inédits Valleys of Neptune (2010) sous le titre Lullaby for the Summer.
- The Experience part en tournée britannique avec les groupes The Move, Pink Floyd, Amen Corner, Outer Limits, The Nice et Eire Apparent.
- Le groupe The West Coast Pop Art Experimental Band est cité.
- Jimi Hendrix participe à un blind test où lui sont proposés les titres suivants :
- Billy Fury – Loving you. Il s’agit d’un titre d’Elvis Presley. Sur ce morceau, Jimi hésite avec Billy J. Kramer.
- Harpers Bizarre – Come to the sunshine
- Cilla Black – What good am i ? Jimi cite Tim Hardin, Sonny and Cher et Dionne Warwick.
- Small Faces – Here comes the nice
- The Beatles – She’s leaving home
- Cream – Tales of brave Ulysses
- Le disque Shapes of things de Jeff Beck ainsi que Duane Eddy et Bo Diddley sont cités.
- You got me floatin’, Spanish Castle Magic, Up from the skies, Castles made of sand, Little wing et One rainy wish (Axis: Bold as Love, 1967)
- John Lennon et The Box Tops sont cités.
- All along the watchtower (reprise d’un titre de Bob Dylan sur Electric ladyland, 1968)
- Stone free (février – décembre 68)
- Stone free (face B du 1er single Hey Joe en 1966 et réédition de Are you experienced ? en 1997)
- La musicienne Joni Mitchell est citée.
- Have you ever been (to electric ladyland), 1983… (a merman I should turn to be) et Little miss strange (Electric ladyland, 1968). Cet album restera 37 semaines consécutives dans les hit-parades, il sera le seul album de l’Experience à se classer numéro 1.
- Bob Dylan – Like a rolling stone (1965)
- Johann Strauss fils – Le Beau Danube bleu (An der schönen blauen Donau)
- Crosstown traffic (Electric ladyland, 1968)
- Noel Redding forme le groupe Fat Mattress. John Mayall est évoqué.
- All along the watchtower (janvier – juin 69)
- Curtis Knight and the Squires – Hush Now et Flashing. Jimi Hendrix découvre que ces deux titres joués avec le groupe Curtis Knight and the Squires sont sortis dans le commerce à son insu (il ne savait pas que la session était enregistrée).
- Cream – Sunshine of your love. Le 4 janvier 1969, Jimi interrompt Hey Joe lors d’un direct sur la BBC pour jouer ce titre en hommage à Cream qui vient de se séparer.
- Les artistes suivants sont cités : Jim Capaldi, le groupe Jethro Tull, Cat Mother, Buddy Miles, Haendel, Charles Mingus et Roland Kirk.
- Le morceau How high the moon est évoqué.
- Un journaliste apprend à Jimi Hendrix qu’on l’a décrit comme le « Paganini de la guitare ». Niccolò Paganini est un musicien italien considéré comme le plus grand violoniste ayant jamais existé.
- Somewhere Over The Rainbow (Crash landing, 1975). Ce titre est présent dans une version différente et sous le titre Somewhere sur l’album People, hell and angels sorti en 2013.
- Frank Sinatra et le groupe Dave Dee, Dozy, Beaky, Mick & Tich sont évoqués.
- Mitch Mitchell fonde son groupe Mind octopus et Noel Redding annonce quitter The Experience après le concert du 29 juin 1969.
- Earth blues (juillet 69 – janvier 70)
- Earth blues (Rainbow bridge, 1971 – People, Hell and Angels, 2013)
- Le nouveau groupe de Hendrix, Gypsy Sun and Rainbows, joue le 18 août 1969 à Woodstock où il interprète l’hymne américain, The Star-Spangled Banner.
- Les artistes suivants sont évoqués : Sly Stone, Richie Havens, Ten Years After, Crosby, Stills and Nash, The Impressions, Otis Redding, Mike Bloomfield et Paul Butterfield.
- Band of Gypsys – Them changes. Band of Gypsys est le nouveau nom du groupe de Jimi Hendrix.
- Message to love (Crash landing, 1975)
- Nine to the universe (février – septembre 70)
- Nine to the universe (Nine to the universe, 1980)
- May I whisper in your ear (titre inédit)
- Stepping stone (sorti en single en 1970 aux États-Unis et sur War heroes en 1972)
- Trash man (Midnight Lightning, 1975)
- Valleys of Neptune (Valleys of Neptune, 2010)
- Hey Baby (New Rising Sun) (Rainbow bridge, 1971 – First rays of the new rising sun, 1997)
- Gustav Holst – Les planètes. Hendrix cite cette œuvre quand il explique vers quelle voie il veut orienter sa musique à l’avenir. Les compositeurs classiques Strauss et Wagner sont également cités.
- Jimi évoque ses funérailles « Je vais te dire, à ma mort, je vais faire un bœuf. […] La musique sera forte et ça sera la notre. Il n’y aura pas de chansons des Beatles, mais un peu d’Eddie Cochran et énormément de blues. Roland Kirk sera là, et j’essaierai d’avoir Miles Davis s’il a envie de venir. Rien que pour ça ça vaut le coup de mourir. Pour l’enterrement. […] Quand je serai mort, continuez à passer mes disques. »
Mémoire d’outre-monde est paru en France en novembre 2013 aux éditions JC Lattès.
Marco
Rédacteur
Chroniqueur pour Shut Up and Play The Books ! et Citazine (cinéma), je peux également faire des sites Internet sur Wordpress et du community management. Intérêts : Orson Welles, médias, cinéma, #moviequotes, loutres et plus si affinités.
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