Les plus grands films que vous ne verrez jamais de Simon Braund dévoile les trésors du cinéma qui n’existent que sous forme de scénarios jamais tournés ou de bobines se dégradant lentement dans les archives des studios, loin des yeux du public. Les histoires maudites de plus de 70 projets de films sont ainsi disséquées, de l’idée d’origine au choix des acteurs, de l’écriture du scénario à la recherche du financement, et enfin le tournage (quand l’aventure arrive à ce stade).
Chaque film inachevé est illustré par une affiche, forcément fictive, qui offre au projet une réalité toute relative mais troublante (voir quelques exemples ci-dessous).
Un encart intitulé « Et après… » présente en quelques mots la suite de la carrière des réalisateurs, scénaristes, producteurs et acteurs impliqués puis Simon Braund conclut avec LA question : « Sortira-t-il un jour ? » Il y répond par une note de probabilité sur 10 et un texte explicatif. Malheureusement les notes sont souvent situées entre 0 et 3.
Orson le maudit
Orson Welles détient le triste record du livre avec 7 projets abandonnés. Il est difficile de comprendre comment le réalisateur du mythique Citizen Kane a pu connaître une carrière si chaotique. Welles a trainé toute sa vie sa réputation de metteur en scène ingérable dépassant le budget et les délais de production. Des accusations non fondées démenties notamment dans le livre de Joseph McBride (en anglais).
The Other Side of The Wind, dans lequel jouent John Huston et Peter Bogdanovich, est certainement le film fantôme le plus emblématique d’Orson Welles. Bloqué depuis des années par des procédures sans fin (article en anglais), il est celui qui a le plus de chances d’être terminé un jour (des extraits sont visibles dans cette vidéo de la Cinémathèque française).
J’ai perdu une bonne partie de ma vie à chercher de l’argent… J’ai consacré trop d’énergie à des choses qui n’ont rien à voir avec un film.
C’est environ 2 % de cinéma, pour 98 % de racolage.
Vous ne les verrez (probablement) jamais
– Return from St Helena (1920-1930) de Charlie Chaplin et Napoleon (1967-1971) de Stanley Kubrick consacrés à Napoléon Ier.
– Giraffes on Horseback Salads (vers 1930), une collaboration tellement surréaliste entre Salvador Dalí et les Marx Brothers qu’elle ne s’est finalement pas faite.
– Brazzaville (1943), une improbable suite du célèbre film Casablanca (1942).
– Deux projets d’Alfred Hitchcock : No Bail For The Judge (1958-1959) dans lequel Audrey Hepburn devait jouer une avocate londonienne et Kaleidoscope (1967), un film fortement influencé par le Blow Up (1966) d’Antonioni, dont les scènes de violence et de sexe auraient été très explicites.
– The Day The Clown Cried (1972) un projet de et avec Jerry Lewis, dans lequel il joue un clown « accompagnant » des enfants juifs vers les chambres à gaz pour leur éviter la panique des derniers instants. Le film aurait pu être précurseur de La vie est belle (1997) de Roberto Benigni mais selon les rares personnes qui l’ont vu c’est un naufrage complet. Le film a bien été tourné, Jerry Lewis en aurait une copie sur une vieille cassette VHS, mais sa réputation et des questions légales bloquent sa diffusion.
– Megalopolis (1984 – 200) : ce projet titanesque de Francis Ford Coppola (le scénario fait 212 pages) ne verra peut-être jamais le jour en raison de son budget qui effraie les studios.
– Ronnie Rocket (vers 1990) est un projet que David Lynch ne cesse de développer depuis plus de 10 ans. Cette histoire d’un « chanteur roux d’un mètre qui se recharge en courant électrique » n’attire pas les fonds nécessaires à sa production. Le financement participatif des fans du réalisateur pourrait débloquer enfin la situation, à suivre…
– Dans la série super-héros : Superman Lives (1998) aurait pu être réalisé par Tim Burton avec Nicolas Cage dans le rôle de l’homme en collant et Batman : Year One (2000) confié à Darren Aronofsky, le réalisateur de Requiem for a Dream (2000).
Heureusement le sort de certains films n’est pas définitif, on a ainsi appris récemment que le projet The Man Who Killed Don Quixote, adaptation du célèbre roman de Miguel de Cervantes par Terry Gilliam semble (enfin) se concrétiser. Le réalisateur relance (pour la septième fois !) le film dont la dernière tentative de tournage s’était soldée par un échec au goût amer raconté dans l’incroyable documentaire Lost in la Mancha (2002).
Des films et des fausses notes
Voici trois de ces films perdus dans lesquels la musique aurait joué un rôle important.
Avant que David Lynch ne réalise Dune en 1984 (de loin sa pire idée), le roman de Frank Herbert a failli être adapté en 1977 par Alejandro Jodorowsky (réalisateur notamment des films El Topo et Santa Sangre). Jodorowsky aurait rencontré les Pink Floyd (alors en train d’achever l’album Wish You Were Here) et les aurait convaincus de réaliser la quasi totalité de la bande son du film (le reste aurait été composé par le groupe Magma). Le documentaire Jodorowsky’s Dune revient sur ce film qui ne s’est jamais fait.
L’un des projets les plus fous du livre est Who Killed Bambi? (1978). Cette comédie musicale trash mettant en scène les Sex Pistols aurait réuni au scénario Roger Ebert (devenu le critique cinéma américain le plus respecté) et à la réalisation Russ Meyer habitué aux films d’exploitation avec actrices à (très) forte poitrine. Finalement le projet tombe à l’eau et des éléments du film sont repris dans The Great Rock’n’Roll Swindle (1980) de Julien Temple.
Gladiator 2 la suite de Gladiator (2000) de Ridley Scott n’aura pas lieu. Et pourtant le scénario existe, il est signé Nick Cave ! Le script métaphysique du chanteur fait débarquer Maximus dans l’au-delà où il se voit confier une mission par les dieux romains. Le projet, trop sombre pour en faire un second blockbuster, fut enterré.
Les plus grands films que vous ne verrez jamais est une bible indispensable à tout cinéphile, une histoire du cinéma aussi fascinante que frustrante, racontée par le biais de ses plus flamboyants échecs.
Un extrait du livre en PDF est disponible sur le site officiel consacré au livre, il s’agit des pages consacrées à Something’s got to give (1962), le film inachevé réalisé par George Cukor avec Dean Martin interrompu suite à la mort de Marilyn Monroe.
Les plus grand films que vous ne verrez jamais est paru en France en octobre 2013 aux Éditions Dunod.
Marco
Rédacteur
Chroniqueur pour Shut Up and Play The Books ! et Citazine (cinéma), je peux également faire des sites Internet sur Wordpress et du community management. Intérêts : Orson Welles, médias, cinéma, #moviequotes, loutres et plus si affinités.
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