Barbed Wire Kisses – Zoë Howe

Le livre :

Dans Barbed Wire Kisses – The Jesus and Mary Chain Story (Baisers au fil barbelé) Zoë Howe nous montre comment un groupe de jeunes issu d’un coin bétonné et perdu d’Ecosse a livré, en 1985, un album rock incendiaire qui a semblé, pour un moment aussi lucide que bref, pouvoir ébranler les fabriques de la musique pop : Psychocandy. Trente ans après sa parution, cette œuvre à part, fruit de l’imagination des frères Jim et William Reid devance de loin les essais d’autres groupes qui ont tenté de reproduire cette fusion parfaitement imparfaite de bruits et mélodies.

Cette biographie plus ou moins autorisée revient sur la genèse de Psychocandy. Imaginé et muri dans une chambre isolée d’une banlieue écossaise partagée par les deux frères lors de leur adolescence My Little Undergound, comme l’évoque un des titres de l’opus, cet album est né d’une obsession pour les racines de la musique rock américaine et d’une sensibilité pour la pop sucrée des années 60.
Jim, le frère cadet, précise que c’est le premier album des Velvet Underground qui a illuminé le chemin – entendre ce mélange du « psycho » et « candy » des titres des Velvet comme Heroin ou I’ll Be Your Mirror, c’était comme écouter la parole de Dieu.

Au sein de cette formation simple et classique – Jim au chant, William à la guitare, Douglas Hart à la basse à deux cordes et un certain Bobby Gillespie à la batterie Mo Tucker –, la relation de plus en plus compliquée entre les frères co-compositeurs est le problème central du groupe, ainsi que l’axe principal du livre. Sous la pression du rouleau compresseur du music biz – Write Record Release Blues, selon un titre écrit plus tard –, les bagarres entre les deux hommes deviennent plus fréquentes, plus graves, voire violentes au fil des années. Loin d’apporter la paix, l’alcool et la drogue s’en mêlent. En 1998, tout explose sur scène lors d’une soirée chaotique à Los Angeles, s’en suit la fin du groupe et une décennie de quasi-silence entre Jim et William. En 2007, The Jesus and Mary Chain se reforme pour le festival californien Coachella. Les frères se tolèrent, à distance – Jim vivant paisiblement en famille au sud-ouest de l’Angleterre, William à Los Angeles.

Si les JAMC ont su perdurer avec des singles devenus classiques comme Sidewalking (1988) et des albums mémorables, de Darklands (1987) à Munki (1998), c’est Psychocandy qui a fait de ce groupe un phénomène hors norme. Le battage médiatique – merci monsieur le manager, Alan McGee – les a accompagnés du premier 45 tours sur le label Creation, un Upside Down avec larsens, jusqu’aux concerts de 15-20 minutes – mini-émeutes comprises – mais c’est Psychocandy qui a révélé les compositions pop classique sous ces effets de larsen. Pendant un moment, avec leur insouciance, entre innocence et insolence, on a pu croire Jim et William Reid quand ils se disaient convaincus d’être le meilleur groupe pop du monde.

Avis :

Zoë Howe, journaliste musical, écrivain et fan confirmée, a choisi pour le titre de son livre celui d’une compilation des JAMC des années 80, l’un des albums du groupe qu’elle préfère. A l’image du jeu entre « psycho » et « candy », elle réussit à exposer dans Barbed Wire Kisses – The Jesus and Mary Chain Story cette tension au sein de la musique des JAMC de même que celle entre les deux frères qui savent qu’ils ont besoin l’un de l’autre pour créer des succès pop loin de l’esthétique synthétique des hit-parades de l’époque. On y décèle aussi la friction naissant d’une confiance absolue dans leur mission et une timidité cruelle qui les rend incapables de jouer sur scène, ou de se prêter à l’exercice de l’interview sans être saouls.

A l’exception de William – toujours réticent –, un certain nombre d’acteurs de l’aventure JAMC ont voulu participer à cette première biographie complète du groupe. Zoë Howe réussit son pari en articulant les pensées, souvent très drôles, d’un Jim plus mature, les citations d’interviews accordées par William au fil des années, et le témoignage de Douglas Hart, le plus vieux compagnon de route des Reid, qui a vécu l’expérience de l’intérieur sans sembler se prendre trop au sérieux. L’auteure nous dépeint un groupe décidément pas comme les autres, et si la deuxième moitié traine un peu en longueur en insistant sur les enregistrements d’albums-tournées-bagarres-albums-tournées… c’est un cas intéressant de l’art (le livre) qui imite la vie (le groupe).

The Jesus and Mary Chain vont pour la toute première fois de leur histoire jouer Psychocandy en intégralité le 16 novembre 2014 à La Cigale de Paris dans le cadre du Festival des Inrocks.

Ce n’était pas comme faire un tour en montagne russe, c’était comme être embarqué sur une fusée. Douglas Hart, l’un des membres fondateurs du groupe.

Musique :

La discographie des frères Reid est riche de six albums studios, plusieurs compilations de faces B et reprises, et d’une collection de 21 singles. Cette playlist résume les influences, reprises et « standards » des JAMC, elle comprend également un clin d’œil au dernier enregistrement des frères, « Sister Vanilla » un album qu’ils ont composé et joué ensemble, après dix ans de rupture, pour leur sœur Linda.

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Playlist :
Les références musicales sont classées selon l’ordre d’apparition dans le livre, les noms des artistes évoqués sont indiqués à la fin de la liste.

The Velvet Underground  – I’ll Be Your Mirror (The Velvet Undergound & Nico, 1967). Ce titre, retour aux sources, est l’une de ses chansons préférées de Jim comme il l’explique lors d’une interview pour la BBC donnée pour présenter la tournée britannique de cinq shows, Psychocandy, qui commencera le 19 novembre (3 jours après le concert a La Cigale pour le Festival des Inrocks).

Barbed Wire Kisses, The Jesus and Mary Chain Story est paru en mai 2014 aux éditions Birlinn.
Ce livre n’est pour le moment disponible qu’en anglais.

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