Dans la gueule du loup – Olivier Bellamy
Le livre :
Londres, 1983, dans les célèbres studios d’Abbey Road, Lina Prokofiev prête sa voix au conte pour enfants composé par son mari, Pierre et le Loup. Un problème technique au cours de l’enregistrement l’oblige à faire une pause, l’occasion d’échanger avec son fils Sviatoslav et de se remémorer sa vie, celle d’une femme libre qui paya cher le prix de son amour inconditionnel.
En s’appuyant sur des faits réels, l’auteur retrace la vie du musicien de génie – le Mozart russe – depuis ses années d’exil à Paris en 1932 jusqu’à sa mort en Russie en 1953. Il imagine les circonstances qui ont entrainé Serge Prokofiev à retourner vivre en Union Soviétique en 1936, en pleines purges staliniennes, ainsi que les conséquences tragiques de cette décision. Olivier Bellamy fait un portrait de l’artiste, de sa relation avec ses pairs mais aussi celui de l’époux et du père de famille, sans oublier de nous faire revivre l’histoire de la première moitié du XXe siècle : un Paris brillant et cosmopolite, le communisme et le régime stalinien, la seconde guerre mondiale…
Avis :
Dans la gueule du loup est un livre passionnant. Avec son style dynamique et vivant, il se lit d’une traite et permet d’avoir un bon aperçu de la vie du célèbre compositeur : sa personnalité, ses œuvres, sa vie, le contexte historique dans lequel il vécut…
On découvre ainsi un Serge Prokofiev suffisant, intransigeant, égoïste, qui abandonna femme et enfants dans une Russie stalinienne, un musicien de génie dont la carrière pâtit de la censure du régime. On y voit aussi un homme à l’humour froid, trait mis en avant dans ce roman à travers un certain nombre de dialogues efficaces et drôles.
Avec ce roman, l’auteur cherche surtout à expliquer comment le compositeur du mondialement connu Pierre et le loup est tombé dans la gueule du loup en retournant délibérément vivre en Russie en 1938, et comment ce choix affecta sa vie. Le travail de documentation et de vulgarisation effectué par Olivier Bellamy, qui est par ailleurs journaliste et spécialiste de la musique classique, est extraordinaire, et il n’est nullement utile d’être un connaisseur du genre pour apprécier ce roman.
Nous ne pouvons qu’espérer d’autres livres de l’auteur sur d’autres artistes, histoire de parfaire notre culture avec plaisir.
Le grand Prokofiev qui vient se jeter dans la gueule du loup. Le grand Prokofiev qui s’est cru plus fort que Staline.
Musique :
La musique du livre tourne autour de la musique classique, des œuvres de Serge Prokofiev évidemment mais aussi de celles de ses pairs, et des artistes et amis qu’il connaissait.
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Playlist :
Les références musicales, y compris celles présentes dans les notes du livre, sont classées selon l’ordre d’apparition dans le livre.
- Pierre et le Loup de Prokofiev (1936) est l’œuvre qui amène Lina, sa femme, dans les studios d’Abbey Road. Dans le roman, Prokofiev explique à son ami Poulenc que Pierre et le Loup est un conte pour enfants où chaque personnage est représenté par un instrument de l’orchestre.
- La Marche Turque de Mozart est évoquée, elle serait aussi identifiée par les enfants que le thème de Pierre et le Loup. La Marche Turque aussi appelée Alla Turqua, est le nom du 3ème mouvement de la Sonate pour Piano n°11 en La Majeur, K331. Sa date de composition exacte est inconnue mais située vers 1780.
- Serge Prokofiev, au piano, dans son appartement parisien, répète son 3ème Concerto. Le mouvement joué n’est pas précisé. Il écrivit son Concerto pour Piano n°3 en Do majeur, opus 26 en 1921.
- Linda Prokofiev, surnommée Lina est la femme de Serge. Elle est chanteuse et a des origines espagnoles. L’Opéra de Bizet, Carmen, est cité en référence à ses origines. Lina interprète un passage de Carmen, Act 1 : L’Amour Est Un Oiseau Rebelle (1875) et son attitude est comparée à celui d’une des cigarières de Bizet.
- Prokofiev reçoit une commande pour le film Le Lieutenant Kijé d’Alexandre Feinzimmer (1933). Prokofiev pensera à utiliser la mélodie de La Colombe Grise Gémit pour sa composition. La Colombe Grise Gémit est une chanson populaire russe. Sting en a repris le thème pour sa chanson Russians (1985). Le Lieutenant Kijé est à l’origine une nouvelle de Iouri Tynianov (1927).
- Le ballet Casse Noisette de Tchaïkovski est cité.
- Francis Poulenc, compositeur et pianiste français, propose à son ami Prokofiev, de l’accompagner en tournée aux États-Unis et de jouer avec lui son Concerto pour deux pianos. Poulenc aurait écrit son Concerto en Ré Mineur pour deux Pianos et Orchestre vers 1930.
- Frédéric Chopin et ses Mazurkas sont cités.
- L’amour des trois oranges (composé en 1921 d’après la pièce de Carlo Gozzi, L’Amore delle tre melarance (1761)), et Le Joueur (composé entre novembre 1915 et janvier 1917 d’après le roman de Dostoïevski (1866)), deux opéras de Prokofiev sont cités.
- Le groupe des six, les compositeurs Georges Auric et Clémenti, le pianiste Richter et le violoncelliste Rostropovitch sont cités.
- Dmitri Chostakovitch est cité pour avoir été descendu dans la Pravda (journal soviétique) avec son opéra Lady Macbeth du district de Mtsensk.
- Litanies à la Vierge noire de Rocamadour (1936) de Poulenc est cité.
- Prokofiev fait référence à son opéra, Le Géant, qu’il composa à 9 ans (en 1900).
- Le Concerto pour violon n°2 de Prokofiev (1935)est évoqué.
- Lina chante la Vocalise de Sergueï Rachmaninov (1915). La vocalise, op.34, n°14 est le dernier de ses Fourteen Songs.
- Prokofiev, à Moscou en 1938, joue au piano La danse des chevaliers, qui est la scène 4 de l’ Acte I de son Roméo et Juliette. Ce ballet, composé en 1935, est basé sur la pièce éponyme de Shakespeare.
- La Symphonie n°6 de Tchaïkovski (1893), dite Symphonie Pathétique, est citée.
- L’Internationale est citée ironiquement par Prokofiev. Il propose, s’il a à changer l’histoire de Roméo et Juliette de Shakespeare, de faire ressusciter le couple sur l’Internationale, chant révolutionnaire dont les paroles furent écrites par Eugène Pottier en 1871 et la musique composée par Pierre Degeyter en 1888. C’est la version russe qui a été intégrée à la playlist.
- La Cantate Rouge de Prokofiev est citée.
- Il est dit que Maria Yudina, une pianiste russe, a joué du Bach de façon violente car c’est la guerre.
- L’opéra de Prokofiev Guerre et Paix (composé en 1942) est évoqué via son livret écrit en partie par le compositeur.
- Sviatoslav Richter et Serge Prokofiev jouent à quatre mains le final de la symphonie classique : il s’agit du nom donné à la Symphonie n°1 de Prokofiev (1916-1917) en raison de ses nombreuses inspirations classiques. Ils interprèteraient donc le quatrième mouvement : Finale : Molto Vivace.
- Les 7ème, 8ème et 9ème sonates de Prokofiev sont évoquées.
- Le pianiste Emil Gilels est cité dans le roman par Prokofiev pour avoir magnifiquement joué sa 8ème sonate. Prokofiev lui aurait dédié cette œuvre.
- Les Trois Sonates de Guerre de Prokofiev sont citées. Richter est arrivé en retard le jour où il devait les jouer, ce que lui reproche le compositeur. Il s’agit du surnom donné aux sonates n°7, n°8 et n°9, qui ont été composées pendant la seconde guerre mondiale.
- Il est précisé que Prokofiev a composé la musique d’Alexandre Nevski, film de Serguei Eisenstein (1938).
- La bataille sur la glace de Prokofiev passe à la radio. Il s’agit d’un extrait d’Alexandre Nevski.
- Les 7ème, 8ème et 9ème symphonies de Chostakovitch sont citées.
- Les 5ème et 6ème symphonies de Prokofiev sont citées.
- Lorsque Lina, libérée de prison va voir son ancien mari, des mots du Duo final du Carmen de Bizet : C’est toi ! / C’est moi ! (1875) sont chantés en guise de salut.
- L’opéra de Verdi, la Traviata, mis en scène par Visconti, est cité pour illustrer le déplacement aisé de Lina dans l’appartement de son ex mari. Il est comparé à celui de Maria Callas.
- Prokofiev s’occupe de l’orchestration de La fleur de pierre, film fantastique d’Alexandre Ptouchko (1946) inspiré des contes de l’Oural de Pavel Bajov.
- Beethoven et Saint-Saëns sont cités comme exemples de mauvais pères.
- L’Hymne à la joie (1822-1824) de Beethoven est cité. Aussi connu sous le nom d’Ode à la joie, ce final de la 9ème symphonie de Beethoven est l’hymne officiel de l’Union européenne.
- Le Don Juan de Mozart (1787) est cité.
- L’Ariane à Naxos, l’opéra de Richard Strauss (1912) est cité.
- L’Amoroso du Cendrillon de Prokofiev , final du ballet qu’il a composé entre 1941 et 1944, est cité.
- Prokofiev entend La marche des chasseurs de son Pierre et le Loup à la radio. S’agit-il de l’arrivée des chasseurs ou de la marche triomphale ? C’est La Marche Triomphale qui a été intégrée à la playlist.
- Le Requiem de Mozart (1791) est cité, selon l’auteur Prokofiev aurait eu l’impression d’entendre ce morceau au moment de sa mort.
- Maria Yudina, le violoniste David Oistrakh et le Quatuor Borodine ont joué devant le cercueil de Serge Prokofiev lors de sa cérémonie funèbre le 7 mars.
- Gabriel Prokofiev, petit fils de Serge, est cité. Il est devenu DJ et remixe des morceaux classiques dans des festivals et des boites de nuit.
- Autres artistes cités dans le livre : Igor Stravinsky, Claude Debussy, Maurice Ravel, Maurice Chevalier, Garcia Lorca, Alexandre Glazounov, Arnold Schönberg, Aram Katchaturian, Heinrich Neuhaus, Jean-Sébastien Bach, Gustav Malher, Gioachino Rossini, Jean Sibelius et Antonio Salieri.
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Dans la gueule du loup est paru en août 2013 aux éditions Buchet / Chastel
Delphine
Créatrice du site // Rédactrice
Créatrice, rédactrice et CM du site. Passionnée de musique, fan de LCD Soundsystem (mais pas que). J'aime la lecture, le ciné, les expo, le street art et les voyages !