Le livre :
Avec Docteur Sleep Stephen King offre une suite, 36 ans après, à l’un de ses romans les plus célèbres Shining. L’attente était énorme pour ce livre dévoilant (enfin) ce qu’est devenu le jeune Danny Torrance (5 ans dans le premier roman) suite aux effroyables événements survenus à l’Overlook Hotel.
Après quelques chapitres relatant sa jeunesse dans la continuité du premier roman (et la façon dont il tente de gérer son shining – le Don dans la version française), on le retrouve à l’âge adulte en mauvais état. Danny est devenu un alcoolique (comme son père Jack dans le premier roman et Stephen King lui même à l’époque de son écriture), sans attache, il se bat dans des bars, couche avec une droguée sans protection et vole même un sans-abri.
Conscient d’avoir touché le fond, Danny Torrance finit par poser ses valises dans un lieu que lui suggère le Don et trouve sa rédemption grâce au soutien d’un groupe des Alcooliques Anonymes. Devenu infirmier dans un hospice, son surnom de Docteur Sleep provient de sa spécialité : aider les mourants à passer de l’autre côté grâce à son pouvoir. La vie paisible du nouveau Danny va commencer à se compliquer quand son Don revient en force, il sent que quelqu’un cherche à le contacter.
Cette personne c’est Abra Stone, dont on suit la vie depuis sa naissance en parallèle de celle de Danny. La puissance du shining d’Abra (prémonitions, psychokinésie, télékinésie…) est telle qu’elle découvre à l’adolescence l’existence de la « Tribu du Nœud Vrai » en assistant à distance et malgré elle au massacre d’un enfant perpétré par cette secte. Le groupe, constitué de personnes âgées voyageant en camping-car, sillonne les États-Unis à la recherche d’enfants ayant le Don. Tels des vampires, ses membres exécutent ces derniers et se nourrissent de leur vapeur leur permettant de ne pas vieillir.
Mise en danger par sa découverte, la jeune Abra prend contact avec Danny Torrance et ensemble ils tenteront d’affronter la secte du Nœud Vrai en associant leurs pouvoirs.
Avis :
On retrouve avec Docteur Sleep un élément familier dans l’univers de Stephen King, l’enfant avec des pouvoirs exceptionnels (Carrie, Charlie et bien sur Shining) luttant contre un environnement hostile. Le Don s’affaiblissant avec le passage à l’âge adulte, l’auteur fait du personnage d’Abra Stone la locomotive du récit avec pour support Danny (comme celui-ci pouvait compter sur les conseils de Dick Halloran, le cuisinier de l’Overlook dans le premier roman).
Si les éléments de terreur sont bien présents (les membres du Nœud Vrai sont plutôt flippants), Docteur Sleep s’avère moins horrifique que Shining, Abra est moins isolée face aux Mal que ne l’était le jeune Danny Torrance. Dans cette suite King propose un récit moins noir que Shining, il y traite de rédemption, d’entraide et de passage de relais. Stephen King revient avec Docteur Sleep sur une thématique connue, sans grande surprise, mais il n’a pas perdu la main pour faire monter la pression (comme autrefois celle de la chaudière de l’Overlook) et la maintenir jusqu’à la fin.
Dans la postface du livre, l’auteur revient sur la genèse de cette suite en expliquant qu’on lui demandait depuis plus de trois décennies d’écrire le destin du jeune Danny et de sa mère Wendy. Il revient également sur son rejet de l’adaptation de Shining au cinéma par Stanley Kubrick en 1980, une version qui s’écarte du roman initial sur de nombreux points (avec des éléments rajoutés – le labyrinthe végétal à l’extérieur de l’hôtel, par exemple – et une fin différente). En 1997, Stephen King écrit en réaction le scénario de sa version de Shining et confie la réalisation de cette mini-série en trois épisodes destinée à la télévision au réalisateur Mick Garris (créateur de la série Masters of Horror).
On peut comprendre la frustration de Stephen King de voir Stanley Kubrick dénaturer son roman mais au delà de la bataille d’égos cet exemple illustre bien la question de l’adaptation d’une œuvre. Certes la version de 1997 est plus conforme au roman (trop ?), mais cette fidélité n’est pas forcément synonyme de succès. Le film de Kubrick dépasse de très loin la tentative de Garris et le visage de Jack Nicholson continuera à s’imprimer dans nos esprits à l’évocation de Shining. Le documentaire Room 237 revient d’ailleurs sur la fascination exercée par le film de Stanley Kubrick plus de 30 ans après sa création.
Docteur Sleep sera probablement porté à l’écran un jour (le destin de très nombreux livres de Stephen King), il faut alors souhaiter que le projet soit confié à une équipe assumant une vraie adaptation, au risque de se fâcher avec l’auteur original. Encore plus que pour Shining, cette suite fourmille de passages, efficaces dans le roman, mais qui, portés à l’écran, pourraient devenir confus voire ridicules.
Musique :
Du rock, de la country et même du disco… cette playlist est un objet musical hétéroclite.
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Playlist :
Les références musicales sont classées selon l’ordre des chapitres du livre.
- Warren Zevon – Werewolves in London (Excitable Boy, 1978). Stephen King dédie Docteur Sleep à son ami musicien Warren Zevon décédé en 2003. Il explique que celui-ci l’encourageait à chanter son titre Werewolves in London (et à jouer comme Keith Richards, le guitariste des Rolling Stones) lors des concerts des Rock Bottom Remainders, un groupe de rock constitué uniquement d’écrivains.
- Un poster du groupe KISS sur lequel on voit Gene Simmons (bassiste du groupe) cracher du feu est évoqué.
- Styx – Mr. Roboto (Kilroy Was Here, 1983)
- Une vieille chanson de l’acteur, humoriste et réalisateur Bobcat Goldthwait est évoquée par cette citation « Mon job y était encore mais quelqu’un d’autre l’occupait ». La citation exacte en version originale est « I lost my job. No, I didn’t really lose my job. I know where my job is. It’s just, when I go there, there’s this new guy doing it. »
- Village People – YMCA (1978). Ce titre est de nouveau évoqué un peu plus loin dans le livre.
- Gloria Gaynor – I Will Survive (1978)
- KC and the Sunshine Band – That’s The Way (I Like It) (KC and the Sunshine Band, 1975)
- La « balade de saloon » comportant le slogan suivant « What’s the word ? Thunderbird ! What’s the price ? Fifty twice » est évoquée. Thunderbird est un vin au goût fruité de qualité médiocre mais populaire aux États-Unis depuis les années 60.
- La comptine enfantine The Wheels on The Bus est évoquée.
- Les chansons des Beatles suivantes sont citées : Hey Jude (1968), Lady Madonna (1968), Let It Be (Let It Be, 1970) et Not a Second Time. Cette dernière, moins connue (elle est présente sur l’album With The Beatles en 1963), est la chanson préférée d’Abra.
- Le compositeur et pianiste américain Scott Joplin est évoqué.
- La « chanson de catéchisme » dont les paroles sont « Rouges, jaunes, noirs ou blancs, ils sont tous précieux à Ses yeux » est évoquée. Les paroles originales de cette chanson dont le titre est Jesus Loves the Little Children sont les suivantes : Jesus loves the little children / All the children of the world / Red, brown, yellow, black or white / They’re all precious in His sight.
- Frank Sinatra – Come Fly with Me (Come Fly with Me, 1958)
- Hank Williams Junior – Whiskey Bent and Hellbound (Whiskey Bent and Hellbound, 1979). Ce titre est évoqué à nouveau plus loin dans le livre.
- Cross Canadian Ragweed – Boys From Oklahoma (Live & Loud at the Wormy Dog, 2004).
- Les noms Jennings, Jackson et Heggard sont cités. Il s’agit de Waylon Jennings, Carl Jackson et Merle Haggard, musiciens de country.
- The Derailers – Lover’s Lie (Reverb Deluxe, 1997)
- Michael Jackson – Billie Jean (Thriller, 1982). Après ce titre, le nom de Michael Jackson est évoqué un peu plus loin dans le livre.
- Un boys band fictif portant le nom de « Round Here » est cité.
- AC/DC – Big Balls (Dirty Deeds Done Dirt Cheap, 1976)
- Les chanteuses américaines Stevie Nicks et Ann Wilson, le groupe de rock américain Heart et le chanteur et acteur français Maurice Chevalier sont évoqués.
- Gordon Lightfoot – The Wreck of the Edmund Fitzgerald (1976)
- Le chanteur de country Toby Keith chante « que Dieu bénisse l’Amérique et fasse couler la bière ». Je n’ai pas trouvé le titre correspondant à ces paroles qui sont probablement inventées par l’auteur.
- La chanteuse Amy Winehouse est citée.
- Une chanson country dont les paroles sont « la route est longue et le temps nous presse » est évoquée. Je n’ai pas trouvé la référence, les paroles les plus proches sont celles du titre Drive par Vanessa Hudgens, pas vraiment une chanson country.
- Elvis Presley – It’s Your Baby, You Rock It (Elvis Country (I’m 10,000 Years Old), 1971). Le titre de ce morceau est cité comme un slogan.
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Docteur Sleep est paru en France en octobre 2013 chez Albin Michel.
Marco
Rédacteur
Chroniqueur pour Shut Up and Play The Books ! et Citazine (cinéma), je peux également faire des sites Internet sur Wordpress et du community management. Intérêts : Orson Welles, médias, cinéma, #moviequotes, loutres et plus si affinités.
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