Le livre:
Dans un univers onirique et fantastique, Boris Vian nous conte de façon poétique deux histoires d’amour : celle de Colin et Chloé et celle de Chick et Alise.
Colin est un homme élégant, riche et généreux. Il rêve de trouver l’âme sœur depuis que son ami Chick entretient une relation avec Alise, la nièce de son fidèle cuisinier, Nicolas. Il rencontre Chloé lors d’une soirée, en tombe immédiatement amoureux et l’épouse rapidement. Voulant aider Chick (beaucoup moins aisé financièrement) à faire de même avec Alise, il lui offre le quart de sa fortune. Alors que tout allait pour le mieux, Chloé tombe gravement malade (un nénuphar envahit son poumon). Avec cette maladie c’est toute la vie de Colin qui se trouve chamboulée.
De son côté, Chick, obsédé par un philosophe nommé Jean-Sol Partre (anagramme de Jean-Paul Sartre), collectionne tout ce qui a trait à l’homme et perd ainsi petit à petit tout l’argent offert, écartant par la même occasion Alise de sa vie.
Une troisième histoire s’entremêle : celle de Nicolas, coureur de jupons, qui reste aveugle face à l’amour que lui porte Isis (amie de Chloé et d’Alise).
La légèreté du début du roman prend une tournure dramatique et oppressante au fur et à mesure que la maladie de Chloé s’étend et que le monde dans lequel les personnages évoluent devient étriqué et sombre (l’appartement rétrécit, change d’apparence et s’assombrit au cours du temps).
Avis :
J’ai voulu lire L’écume des jours avant d’en découvrir l’adaptation cinématographique de Michel Gondry. S’il s’agit d’un classique de la littérature française, je n’avais jusqu’à présent jamais eu l’occasion de lire du Boris Vian.
J’avoue avoir été complètement surprise et séduite par son univers (qui ressemble finalement beaucoup à celui de Gondry).
Des murs qui bougent, des fusils qui poussent comme des plantes mais à l’aide de chaleur humaine, des vitres qui se réparent seules, des anguilles qui se pêchent dans la robinetterie, des animaux qui parlent,etc. Autant d’éléments surréalistes et loufoques qui font sourire. Et au milieu de tout cela, sur fond de musique jazz , on trouve un roman extrêmement sombre et poétique.
L’histoire d’amour à la fois simple et tragique est émouvante. La dévotion de Colin et ses sacrifices pour sauver l’amour de sa vie, de même que ses tentatives pour aider Chick en font un personnage touchant.
Au-delà, Boris Vian fait une satire de la société d’après guerre (le roman a été publié en 1947) et porte une critique sur le travail et la religion.
Musique:
La musique jazz est présente tout au long du livre, de façon directe (morceaux joués) ou de façon moins directe (rues, enseignes portant le nom de compositeurs, allusions à la Nouvelle-Orléans…)
L’auteur ajoute même des « z » pour signer jazz dans certains de ses mots (Doublezons,…).
Il y a aussi du blues et du boogie-woogie (bien qu’aucun morceau ne soit cité précisément dans le genre).
Ce sont les titres de Duke Ellington qui sont principalement mis en exergue dans L’écume des jours.
Ainsi Chloé est à la fois la femme que Colin épouse, qui tombe malade à cause d’un nénuphar (une fleur des marais) qui pousse dans son poumon, et le titre d’un morceau de Duke Ellington Chloe (Song of the Swamp) (« Chloé – la chanson du marais » en français). Cette chanson constitue le « thème » du livre. Elle accompagne toute l’histoire d’amour.
Toujours dans la rubrique musique, mais dans la famille « instruments » cette fois, le pianocktail attire immédiatement l’attention.
Il s’agit d’un piano élaboré par Colin qui permet, pour chaque air joué, de produire un cocktail dont le goût rappellera les sensations éprouvées lors de l’écoute du morceau.
Personnellement j’en voudrais bien un chez moi !
Playlist disponible sur Deezer
Playlist :
(par ordre d’apparition dans le livre)
- Duke Ellington – Black and Tan Fantasy (Enregistré en 1927, ce morceau a été composé par Duke Ellington et Bubber Miley. En 1929, Dudley Murphy fait un film sur l’orchestre de Duke Ellington et le nomme identiquement)
- Billie Holiday – Loveless Love (1941)
- Duke Ellington – Chloe (Song of the Swamp) (Standard de jazz, ce morceau date de 1927. La musique est de Charles N. Daniels et les paroles de Gus Kahn. Interprétée et enregistrée par différents artistes, la version de Duke Ellington et son orchestre, datant de 1940, en est l’une des versions instrumentales des plus respectées. Dans l’écume des jours, le titre est cité 7 fois)
- Concerto pour Johnny Hodges (Le saxophoniste Johnny Hodges faisait partie de l’orchestre de Duke Ellington. Ce concerto est imaginaire mais rappelle le Concerto for Cootie (pour Cootie Williams, trompettiste, membre de l’orchestre de Duke Ellington))
- Duke Ellington – The Mood to be Wooed (1944)
- Duke Ellington – Slap Happy (Pour ce titre enregistré en 1938, Duke Ellington est accompagné de Billy Taylor (son contrebassiste de 1935 à 1939) qui jouait en « giflant » les cordes de son instrument)
- Duke Ellington – Blues of the Vagabond (1929)
- Duke Ellington – Misty Mornin’ (1928)
- Duke Ellington – Blue Bubbles (1927)
- A la salade (Boris Vian cite cette chanson en fin de roman. Pour ne pas dévoiler le dénouement je n’expliquerai pas dans quel contexte. Chanson réelle ou imaginaire, aucune idée… )
Edward Kennedy « Duke » Ellington (1899 – 1974) était un pianiste, compositeur et chef d’orchestre de jazz américain.
Pour en savoir plus, le site officiel: dukeellington.com
Delphine
Créatrice du site // Rédactrice
Créatrice, rédactrice et CM du site. Passionnée de musique, fan de LCD Soundsystem (mais pas que). J'aime la lecture, le ciné, les expo, le street art et les voyages !
Merci pour ton analyse tout en finesse et merci pour la playlist, super utile dans le cadre de mes cours sur les liens entre le roman et je jazz!
Bonjour,
Pouvez-vous m’indiquer de quelle année date l’édition dont vous avez mis la photo ?
Merci !
Bonjour Sophie, le Livre de poche semble avoir utilisé cette illustration de couverture pour différentes éditions. Il semble — information non certifiée comme sûre — que la première utilisation date d’une édition de 1975.