Lunar Park – Bret Easton Ellis
Le livre :
Le livre débute comme une autobiographie, Bret nous narre en introduction l’histoire de sa famille et de sa vie de jeune écrivain à succès (entre usage de drogues et débauche).
Le roman débute quand Bret (le narrateur du livre) décide d’épouser l’actrice Jayne Dennis, de reconnaître (enfin) Robby, son fils de 11 ans et de s’installer avec eux (ainsi que Sarah, sa belle-fille de 6 ans) dans une banlieue riche de la côte est américaine.
C’est à ce moment que la frontière entre la réalité et la fiction devient floue, si l’auteur Jay McInerney, présent dans le livre, est bien un ami de Bret Easton Ellis, d’autres éléments, à commencer par sa femme (Ellis n’a jamais été marié), sont de pures inventions.
Bret Easton Ellis se retrouve avec une vie rangée, loin de la débauche des tournées de promotion pour son dernier livre en date Glamoroma, mais très vite son nouvel environnement l’oppresse. L’auteur se sent mal dans cette Amérique post-11 septembre névrosée et parano où les parents des banlieues chics droguent leurs enfants aux anxiolytiques.
Très vite l’angoisse de Bret se précise quand des phénomènes étranges semblent indiquer que sa nouvelle demeure est hantée : des meubles changent de place tout seuls, les murs de la maison pèlent et des apparitions s’imposent à l’auteur. Bret reçoit les visites du fantôme de son père et de Patrick Bateman, le personnage de son roman American Psycho.
Ces événements se produisent alors que l’auteur doit affronter, dans le désordre : son envie de replonger dans la consommation de substances illicites (pulsion compréhensible vu les circonstances), des séances de thérapie de couple éprouvantes, un fils mutique qui l’ignore et Terby, la peluche de sa belle-fille Sarah, sorte de Furby maléfique, qui cherche à l’attaquer.
Pour rendre l’atmosphère encore plus anxiogène des enfants disparaissent mystérieusement dans la région et un tueur (Patrick Bateman lui-même ?) est responsable d’une vague de crimes reproduisant les meurtres du livre American Psycho.
Dans cet univers hostile Bret Easton Ellis va devoir affronter les démons qui s’introduisent chez lui (et dans son esprit).
Avis :
Bret Easton Ellis a été inspiré par l’écrivain Philippe Roth pour la forme du roman (autofiction) et a voulu rendre un hommage au suspens horrifique des romans de Stephen King. On peut dire que le but est atteint, on est très vite pris par le récit de ces 12 jours cauchemardesques. Même si l’on sait qu’il ne s’agit pas d’une autobiographie tout est fait pour qu’on l’oublie et on se laisse porter. Comme dans les œuvres de Stephen King où le quotidien (un chien, une voiture, une adolescente…) créé de l’angoisse, la nouvelle maison de Bret est un théâtre où l’horreur s’immisce sournoisement.
Je ne peux que conseiller très vivement ce livre qui derrière l’efficacité des scènes de terreur (on a beaucoup de mal à le lâcher) explore également (surtout ?) la relation entre un père et son fils, et comment un homme peut comprendre son propre père quand il le devient à son tour.
Le fait que ce roman soit de l’autofiction permet également d’en savoir plus sur Bret Easton Ellis, le vrai. Dans Lunar Park, il suggère l’idée que son père lui aurait inspiré le personnage de Patrick Bateman. Une version qu’il a ensuite modifiée lors d’une interview en indiquant que le personnage de American Psycho s’inspirait avant tout de lui.
Si vous souhaitez enquêter sur ce qui est réel ou non dans le roman, je vous conseille Qui est Bret Easton Ellis ? une interview réalisée pour L’Express en 2005 lors de la sortie du livre. Même si l’article ne dévoile pas le roman je vous conseille plutôt de le lire après le livre, le fait de ne pas réussir à distinguer le vrai du faux est l’un des ressorts qui crée l’addiction à Lunar Park.
Musique :
On retrouve essentiellement du rock et de la pop dans les références musicales de ce roman. Une soirée Halloween organisée chez Bret Easton Ellis fournit une grande partie de cette playlist en chansons « effrayantes ». Plus inquiétant, certains morceaux proviennent de la chaîne hi-fi de la maison, que celle-ci soit allumée ou non. Deux références musicales sont issues de American Psycho dont l’auteur cite des passages.
La playlist ci-dessous reprend les titres dont les interprètes sont clairement identifiables. La chanson On the Sunny Side of the Street revient à de multiples reprises dans le livre mais aucun interprète n’est précisé. Le titre ayant une place importante dans l’œuvre, j’ai choisi de la faire figurer dans la playlist en choisissant une des premières versions, celle du chanteur américain Ted Lewis sortie en 1930.
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Playlist :
(références musicales par ordre d’apparition dans le livre)
- La première référence du livre est The Ronettes – Be my baby (composé en 1963). Elle provient de American Psycho, troisième roman de l’auteur dont il cite les premières phrases.
- Le groupe anglais Fleetwood Mac et le groupe californien Eagles sont évoqués.
- Madonna et Cher, actrices – chanteuses américaines, sont évoquées.
- Les noms des chanteurs américains Frank Sinatra, Dean Martin et Sammy Davis Jr. sont cités.
- Bret Easton Ellis cite des artistes et groupes qui l’invitaient backstage lors de leurs concerts : Bono (du groupe U2) , Michael Stipe (du groupe R.E.M.), Def Leppard (groupe de glam rock britannique) et les membres du E Street Band (premier groupe ayant accompagné Bruce Springsteen).
- L’auteur se rend à un « concert de charité d’Elton John pour le sida au Madison Square Garden ».
- Radiohead – Creep. Ce titre est cité en tant que bande son d’un film sur l’auteur intitulé This is not an exit : The fictional world of Bret Easton Ellis (et non The Bret Easton Ellis Story comme indiqué dans le roman). Ce titre est le premier single du groupe anglais, sorti en 1992. Il figure ensuite sur leur premier album Pablo Honey (1993).
- Le nom du chanteur anglais George Michael est cité, une rumeur a annoncé pendant quelques temps une liaison entre le chanteur et l’auteur.
- Le nom de Mick Jagger, chanteur du groupe The Rolling Stones est cité.
- Bruce Springsteen est évoqué chantant « d’une voix douce, We shall overcome » en fond sonore d’images diffusées sur CNN. Ce morceau dont le titre signifie « Nous triompherons » est une chanson contestataire (protest song) issue d’un vieux gospel I’ll Overcome Someday devenu l’hymne des marches du Mouvement des droits civiques aux États-Unis.
- Bret Easton Ellis organise une grande fête pour Halloween, voici les titres qui y sont diffusés :
- Elton John – Funeral for a Friend / Love Lies Bleeding. Ce titre est le premier titre (composé de deux morceaux) du double album Goodbye Yellow Brick Road sorti en 1973.
- The Psychedelic Furs – The Ghost in You (album Mirror Moves, 1984).
- Michael Jackson – Thriller. Ce morceau est issu du mythique sixième album de l’artiste au titre éponyme sorti en 1982.
- Eagles – Witchy Woman. Ce titre est issu de l’album Eagles, le premier du groupe sorti en 1972.
- Electric Light Orchestra – Evil Woman (album Face the Music , 1975).
- Fleetwood Mac – Rhiannon (album Fleetwood Mac., 1975).
- The Rolling Stones – Sympathy for the Devil. (album Beggars Banquet, 1968).
- Zevon – Werewolves of London. Ce titre de Zevon (de son nom complet Warren Zevon) figure sur l’album rock Excitable Boy de 1978.
- Elvis Costello – Spooky Girlfriend (album When I Was Cruel, 2002).
- Bobby « Boris » Pickett – Monster Mash. Ce titre, le plus connu du chanteur américain Bobby Pickett, est sorti en 1962. C’est une novelty song, une chanson comique et absurde.
- The Zombies – Time of The Season. (album Odessey and Oracle, 1968).
- Le nom de Paul Westerbeg est cité. Ce chanteur et musicien américain a été membre du groupe The Replacements, groupe de rock alternatif des années 80.
- Eagles – One of These Nights (album One of These Nights, 1975).
- Stevie Wonder – Superstition. Ce titre du chanteur américain est sorti en 1972 sur l’album Talking Book. Énorme succès, il s’est classé n°1 dans les charts pop et R&B de l’époque aux États-Unis et au Royaume-Uni.
- Blue Öyster Cult – Don’t Fear The Reaper. Ce titre du groupe rock américain « fait trembler toute la maison ». Il est extrait de l’album Agents of Fortune paru en 1976.
- Lors de la fête on entend également « les accords familiers de Life’s Been Good to Me de Joe Walsh ». Le titre exact du morceau est Life’s Been Good, ce morceau du chanteur américain Joe Walsh est sorti en 1978. Il a d’abord été inclus sur la bande originale du film FM, avant d’apparaitre sur l’album But Seriously, Folks…
- Le fils de l’auteur porte un tee-shirt Kid Rock, un chanteur américain mélangeant rap, rock et country.
- Le groupe de punk-rock américain Ramones chantent « I don’t want to be buried in a pet cemetery / I don’t wanna to live my life again ». Ces paroles sont celles de Pet Sematary, morceau utilisé pour la bande originale du film Simetierre (Pet Sematary), adaptation du roman éponyme de Stephen King, par Mary Lambert en 1989.
- Robby, le fils de Bret veut se déguiser en Eminem.
- Un morceau du groupe The Go-Go’s est diffusé à la radio. Ce groupe féminin, initialement nommé The Misfits à sa création en 1978 changea de nom en 1979.
- Foreigner – Feels Like the First Time est évoqué (album Foreigner, 1977).
- Des posters des groupes américains Beastie Boys et Limp Bizkit sont sur les murs de la chambre du fils de Bret.
- Sarah, la belle-fille fictive de Bret est déguisée en Posh Spice, il s’agit du surnom de Victoria Adams, devenue Victoria Beckham, alors membre du girl band Spice Girls.
- Les paroles « Hello darkness my old friend… » s’immisce dans l’esprit de l’auteur. Il s’agit du début de la chanson The Sound of Silence de Simon and Garfunkel. Elle est apparue sur leur premier album, Wednesday Morning, 3 A.M., en 1964, dans une version où le chant n’était accompagné que par la guitare acoustique de Paul Simon. Une nouvelle version électrique sortit en single en septembre 1965, et atteignit la première place du Billboard Hot 100 au début de l’année 1966. Elle apparaît ensuite sur le deuxième album, Sounds of Silence (d’après le titre de la chanson à ce moment au pluriel) sorti en janvier 1966. Le titre sera utilisé dans plusieurs films, le plus marquant étant The Graduate (Le lauréat) de Mike Nichols en 1967.
- Sarah tente d’ouvrir un CD des Backstreet Boys, groupe de pop américain formé en 1993.
- Nouvelle évocation de la chanteuse Cher.
- Raffi est évoqué, ce musicien canadien, de son vrai nom Raffi Cavoukian, est né en Égypte en 1948.
- Bret souhaiterait faire écouter à ses enfants « quelque chose d’un peu plus décent » et cite Springsteen, Elvis Costello et le groupe de punk britannique The Clash.
- Le groupe de punk rock anglais Buzzcoks est cité.
- Un CD de Burt Bacharach, pianiste et compositeur américain, est joué.
- Le nom de Michael Jackson est évoqué.
- Elton John – Someone Saved My Life Tonight est entendu « alors que la radio n’était pas même allumée ». Ce titre est issu du 9ème album de l’artiste, Captain Fantastic and the Brown Dirt Cowboy, sorti en 1975.
- Évocation d’une « vieille chanson New Wave » sans précision.
- Le morceau On the Sunny Side of the Street est évoqué. Il sera encore cité à trois reprises avant la fin du livre. Il s’agit d’une chanson populaire composée pour le spectacle International Revue qui a eu lieu en février 1930 à New York. Cette composition est devenue un standard de jazz, elle a été interprétée par d’importants musiciens comme Fats Waller et Louis Armstrong, Dizzy Gillespie, Billie Holiday ou Oscar Peterson.
- Le morceau Someone Saved My Life Tonight d’Elton John est de nouveau évoqué (il sera encore cité deux fois avant la fin du roman), ainsi que Rocket Man, autre titre de l’artiste paru en single en 1972, puis sur son 5ème album studio, Honky Château.
- Un concert d’Elvis Costello est évoqué. Plus loin dans le roman le chanteur sera évoqué à nouveau à travers un poster.
- Fleetwood Mac – Landslide est cité. Ce titre, comme Rhiannon déjà cité, figure sur l’album Fleeetwood Mac de 1975.
- Une « version muzak de The Way We Were » est diffusée. Le terme muzak définit une musique de fond ou une musique de supermarché. Ce titre a été composé pour le film The Way We Were (Nos plus belles années), un film de 1973 de Sydney Pollack avec Barbara Streisand et Robert Reford. Le morceau, interprété par Barbara Streisand, a remporté un Oscar et un Golden Globe pour la meilleure chanson originale et a également été classée numéro 8 dans le classement des 100 grandes chansons du cinéma américain de l’AFI (American Film Institute).
- Évocation de Kenny G., saxophoniste américain de pop instrumentale et de smooth jazz, lors d’un nouvel extrait de American Psycho.
Marco
Rédacteur
Chroniqueur pour Shut Up and Play The Books ! et Citazine (cinéma), je peux également faire des sites Internet sur Wordpress et du community management. Intérêts : Orson Welles, médias, cinéma, #moviequotes, loutres et plus si affinités.
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