Qu’avons-nous fait de nos rêves ? – Jennifer Egan

Le livre:

C’est le vinyle brisé sur la couverture de Qu’avons-nous fait de nos rêves ? qui a attiré mon attention.
La 4ème de couv’ se focalise sur deux personnages : Sasha une trentenaire kleptomane, ancienne assistante de production dans une grande maison de disques new-yorkaise, et Bennie, la quarantaine, ancien producteur star du groupe de rock les Conduits qui ne sort plus que des titres sans intérêt.
Plus aucun doute, ce livre a sa place dans la section « Books on music » de ce site.
Le roman débute dans les années 2000, il nous plonge dans l’histoire et les souvenirs de Bennie, Sasha et leur entourage. Passant d’une époque à l’autre sans logique apparente (l’auteure nous balade entre les années 70 et 2000), Jennifer Egan nous dévoile petit à petit, à la façon d’un puzzle, les relations que chacun de ces personnages ont les uns avec les autres, et nous montre où la vie les a menés (avec ce qu’elle comporte de hasards, d’opportunités saisies, de choix, de désillusions…). Qu’ont-ils fait de leurs rêves d’ados ? Voilà ce que vous apprendrez en lisant le livre.

Avis :

J’ai découvert en rédigeant cette chronique que Jennifer Egan avait obtenu en 2011 le Prix Pulitzer de l’œuvre de fiction pour Qu’avons-nous fait de nos rêves ? J’avoue avoir été un peu surprise en l’apprenant.
La façon dont le livre est structuré est peu banale et intéressante, l’auteure nous impose une gymnastique cérébrale en passant d’un personnage à l’autre, d’une ville à l’autre, d’une époque à l’autre sans ordre chronologique (tout en intégrant savamment des éléments liés aux évolutions technologiques et sociétales)… Cette construction demande une bonne dose de concentration au lecteur pour ne pas manquer un élément important de l’histoire, mais l’ensemble fonctionne.
Si le style narratif peut dérouter, le livre remplit cependant bien sa fonction de roman mélancolique et comprend de très beaux moments. Il nous fait réfléchir au temps qui passe, au destin de l’individu… et il y a fort à parier que chacun se posera à la fin cette question : « Et moi ? Qu’ai-je fait de mes rêves jusqu’à présent ? »
Pourtant, quelque chose pêche dans ce livre, le tout sonne un peu faux (parfois même caricatural) et les personnages ne sont pas très attachants.
S’il n’est pas désagréable à lire, Qu’avons-nous fait de nos rêves ? est malgré tout dispensable.

Musique:

Un certain nombre de personnages mis en scène dans ce roman évoluent dans le milieu musical. On y trouve donc un mélange de morceaux purement fictionnels interprétés par des artistes n’ayant jamais existé et de titres connus, repris dans la playlist ci-dessous.
Tous les artistes fictifs (Stop/Go, les Conduits, Flaming Dildos, Bosco, Scotty Hausmann, etc.) et leurs chansons n’ont pas été listés.
Seuls les titres cités précisément ont été intégrés à la playlist ci-dessous.

Retrouvez cette playlist (partielle) sur

Playlist :
(par ordre d’apparition dans le livre)

  • Bennie avait signé Stop/Go, un groupe de deux sœurs dont la musique était à ses yeux un « croisement entre Cyndi Lauper et Chrissie Hynde. »
  • Dans sa voiture, « Bennie passait des Sleepers aux Dead Kennedys, groupes de San Francisco qui avaient rythmé sa jeunesse ».
  • Bennie cite Jello Biafra – Too Drunk to Fuck. Ce titre est le 4ème single des Dead Kennedys, sorti en 1981. Jello Biafra (de son vrai nom Eric Reed Boucher) en est le chanteur.
  • En voiture, Bennie et son fils écoutent Pearl Jam.
  • En voiture Bennie et Sasha écoutent « des morceaux des Who à leurs débuts, des Stooges (…) Puis d’autres des Flipper, des Mutants et d’Eye Protection ».
  • Pour avouer à Sasha son désenchantement envers l’industrie du disque Bennie choisit de passer « la poésie ravageuse de Patti Smith (…), le hardcore radical des Black Flag et des Circle Jerks » comparant ainsi la musique « inanimée » actuelle à ce qui se faisait avant.
  • Pour le mentor de Bennie, « le rock avait connu son apogée au festival international de Monterey ».
  • Scotty (autre personnage du livre) « met a plein tube [dans son pick-up] des enregistrements pirates des Stranglers, de Nuns, des Negative Trend ».
  • Bill Graham est cité comme étant connu personnellement de Lou. (Bill Graham est un célèbre producteur de concerts qui développa le Fillmore de San Francisco, lieu où passèrent les grandes icônes rock de toute une génération: Grateful Dead, Jefferson Airplane, Janis Joplin…).
  • « Crime, les Avengers, les Germs et une flopée d’autres groupes » ont joué au Mab (lieu où se réunissaient les jeunes le samedi soir).
  • Quand le groupe d’amis se trouve dans l’appartement de Lou, plusieurs titres sont diffusés:
    • The Beatles – Don’t Let Me Down . Le single paru en 1969 a été composé par John Lennon pour Yoko Ono.
    • Blondie – Heart of Glass (Album Parallel Lines, 1978).
    • Iggy Pop – The Passenger (Album Lust for life, 1977). Il s’agit de la 2ème collaboration d’Iggy Pop et de David Bowie, les deux artistes s’étant retrouvés à Berlin. David Bowie qui fait les chœurs sur la chanson a également produit l’album. The Passenger a été composée par Iggy Pop et Ricky Gardiner, les paroles d’Iggy Pop seraient inspirées de poèmes de Jim Morrison. Dans le livre le début de la chanson est citée.
  • Jocelyn s’imagine rentrer chez elle le soir et écouter un disque de Dave Brubeck en jouant aux dominos ou au gin-rami avec sa mère tout en buvant des Virgin Mary.
  • Scotty entend Satin Doll lors d’une soirée de gala pour la recherche contre les maladies cardiovasculaires. Le morceau ayant été composé par Duke Ellington et Billy Strayhorn dans les 50’s c’est cette version que j’ai intégrée à la playlist. La version chantée élaborée par Johnny Mercer en 1958 a été reprise par un grand nombre d’artistes par la suite (Ella Fitzgerald, Franck Sinatra…). La version entendue n’est pas précisée dans le livre.
  • Étudiante, Sasha rédige un exposé sur l’enfance de Mozart.
  • Lorsque Bobby entre dans la résidence universitaire, les colocataires présents baissent le volume d’une chanson de Nirvana qu’ils sont en train d’écouter.
  • Une partie du livre s’articule comme une suite de diapositives et s’intitule « Pauses d’un super rock-and-roll par Alison Blake ». Alison, fille de Sasha et Drew, y présente sa famille, et nous expose les commentaires de son frère Lincoln, obsédé par « les chansons de rock où il y a des pauses », ainsi que ceux de sa famille sur les morceaux suivants:
    • Four Tops – Bernadette. Le single est paru en 1967. Interprété par les Four Tops, il a été écrit, composé et produit par le trio qui a rendu la Motown célèbre dans les 60’s : Brian Holland, Lamont Dozier et Eddie Holland. (Ce morceau est cité plusieurs fois dans cette partie du livre).
    • Jimi Hendrix – Foxy Lady (Enregistré avec son groupe Jimi Hendrix Expérience en 1966, le titre apparait sur l’album Are you experienced en 1967).
    • David Bowie – Young Americans (Album Young Americans, 1975)
    • Steve Miller Band – Fly like an Eagle (Album Fly like an Eagle, 1976)
    • The Frames – Mighty Sword (Album For the birds, 2001. Ce morceau est cité plusieurs fois dans cette partie du livre).
    • Doobie Brothers – Long Train Running. Écrit de la sorte dans le livre, le titre qui s’orthographie en fait Long Train Runnin’ , apparait dans l’album The Captain and Me en 1973.
    • Garbage – Supervixen (Album Garbage, 1995. L’idée des silences avec effets ponctuant le morceau est venue suite à un problème technique survenu lors de l’enregistrement. Le nom de la chanson serait inspiré du film de Russ Meyer, Supervixens, 1975).
    • The Police – Roxanne. Cette chanson est sortie en 1978 en single, puis dans l’album Outlandos d’Amour. Ce sont les prostituées se trouvant près de l’hôtel où le groupe logeait qui ont inspiré Sting pour les paroles. Le titre vient du nom de l’héroïne de la pièce d’Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac, lu sur une affiche dans l’hôtel en question.
    • An Horse – Rearrange Beds (Album Rearrange Beds, 2009).
    • Semisonic – Closing Time. Issue de l’album Feeling Strangely Fine paru en 1998, cette chanson a été écrite par Dan Wilson. Il s’agit en fait d’une chanson sur son impatience d’être père.

    Toujours dans cette partie du livre se trouve un graphique intitulé « relation entre la longueur de la pause et son pouvoir obsédant ». Les morceaux ci-dessus y figurent à nouveau, auxquels s’ajoutent :

    • George Michael – Faith (Album Faith, 1987. L’album obtint le Grammy Awards de l’album de l’année en 1988)
    • Led Zeppelin – Good Times, Bad Times (Album Led Zeppelin, 1968)
    • NOFX – Please Play This Song on the Radio (Album White Trash, Two Heebs and a Bean, 1992).
    • Zombies – The Time of the Season (Album Odessey and Oracle, 1968).

    S’ensuivent d’autres graphiques d’analyse des pauses dans ces chansons.

  • Jennifer Egan invente ensuite un monde où les bébés grâce à des smartphones adaptés téléchargent de la musique et relancent l’industrie du disque en faillite, ce qui oblige les groupes à « se réinventer pour plaire à cette clientèle préverbale ». Dans ce futur le groupe Nine Inch Nails a sorti une chanson intitulée Ga-ga  et « Biggie [a] sorti un nouvel album posthume, dont le titre phare, un remix de Fuck You, Bitch s’entendait You’re Big, Chief ».

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Delphine

Créatrice du site // Rédactrice

Créatrice, rédactrice et CM du site. Passionnée de musique, fan de LCD Soundsystem (mais pas que). J'aime la lecture, le ciné, les expo, le street art et les voyages !

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